22 mai 2023

Clairvivre

 Bonjour à toutes et tous, 

Aujourd'hui je vais vous faire quitter le Nord-Pas-de-Calais et remonter le temps par la même occasion.

Mon père est né pendant la seconde guerre mondiale dans le sud-ouest de la France où mes grands-parents André Spriet et Gabrielle Florin étaient partis  s'installer pour vivre des jours un peu moins sombres. C'est donc au 5 rue Alain Gerbault à Toulouse que la vie de Dominique commence le 12 décembre 1940. 

Mon grand-père, André, a facilement retrouvé du travail dans cette ville où l'industrie ne manque pas même en ces temps troublés. La vie s'écoule aussi paisiblement que possible pour le couple et leur premier enfant jusqu'à ce que la maladie vienne rompre ce bel équilibre. Atteint par la tuberculose, André, sur les conseils de son entourage professionnel, va quitter Toulouse avec sa famille pour Clairvivre, une cité sanitaire située à proximité du village de Salagnac en Dordogne.

Source : Google maps
 

Le projet de la cité de Clairvivre est l'oeuvre d'Albert Delsuc, ancien combattant et secrétaire général de la FNBPC (Fédération Nationale des Blessés des Poumons et Chirurgicaux) qui s'est inspiré de ce qu'il a pu observer lors d'un voyage en Angleterre. Gazé pendant la première guerre mondiale, il a cherché à créer un lieu permettant à la fois de soigner les malades de la tuberculose et de les aider à retrouver un équilibre de vie et de travail entourés de leurs familles. L'obtention d'une subvention en 1930 lui permet de démarrer son projet qu'il va choisir d'implanter en Dordogne, sa région natale.

Clairvivre : vue générale (source : https://www.clairvivre.fr)

Clairvivre, dont les travaux commencent en 1931, sera inaugurée le 30 juillet 1933. Elle dispose de tout le confort moderne pour l'époque et est totalement autonome grâce à de nombreux équipements techniques. La cité est organisée en trois quartiers : celui de l'habitat, celui des soins, celui du travail, qui correspondent au projet de la FNBPC : vivre, guérir, travailler.

On retrouve dans les différents bâtiments et constructions cette répartition des besoins. La cité comprend entre autres un grand hôtel sanatorium, visible de loin par sa taille imposante et proposant des services d'hébergement, de restauration et de loisirs (cinéma, bibliothèque), un dispensaire hôpital dédié à l'accueil des malades tuberculeux ainsi qu'à d'autres types de soins et au suivi médical des enfants (dont la présence était la base familiale du projet d'Albert Delsuc). Un groupe scolaire sera achevé pendant la guerre et deviendra alors l'école de tous les enfants de la cité. Les pavillons d'habitation, quant à eux, possèdent le téléphone, l'eau courante, des équipements sanitaires modernes et tout le nécessaire à une vie familiale heureuse et confortable.  

Le dispensaire-hôpital
Source : archives familiales

Source : Clairvivre... de l'utopie à
la réalité
par Jacqueline Desthomas
et Jean-Jacques Joudinaud
Editions de la Tuillière pour l'EPD
de Clairvivre (1999)

 

Un pavillon d'habitation
source : archives familiales

 

 

Au delà de cette vocation  médicale et sociale, les années qui suivent vont faire entrer Clairvivre dans l'histoire en transformant la cité en lieu d'accueil pour de nombreux réfugiés, espagnols d'abord à partir de 1937, puis français fuyant l'avancée allemande pendant la seconde guerre mondiale. La cité devient lieu de résistance face à l'occupant. Il en sera question un peu plus loin.

Mais revenons à la "petite histoire" familiale. Lorsque mes grands-parents s'installent à Clairvivre, mon père est encore bien jeune. D'après les photos familiales et ses souvenirs, il y serait arrivé vers septembre 1942, soit à environ l'âge de vingt mois.

Mon grand-père est accueilli comme bien d'autres malades de la tuberculose de cette époque et reçoit les soins appropriés. Mon père profite du quotidien et de l'environnement pour vivre sa vie de petit garçon en compagnie d'autres enfants. 

Mon père en septembre 1942
Source : archives familiales

La famille s'agrandit avec la naissance d'un deuxième enfant, Christiane, le 21 septembre 1943.

Si dans un premier temps, l'occupation allemande n'a que peu de répercussions sur la vie à Clairvivre, le rôle médical de la cité va peu à peu s'accompagner d'un engagement important dans la résistance : accueil de jeunes pour échapper au STO, parachutages, passage de courrier, les actions ne manquent pas. Les Allemands ont d'abord semblé ignorer ce qui s'y passait, peut-être par crainte de la contamination, peut-être aussi parce que Clairvivre, lieu à l'écart, ne figurait pas sur leurs cartes d'état-major, mais la pression va peu à peu se resserrer. A partir de 1944, les arrestations et la circulation des convois ennemis vont mettre la population en alerte.

Le 6 juin 1944 a lieu le débarquement en Normandie. Les jours qui suivent vont être marquants pour Clairvivre et ses habitants. Mon père Dominique a alors presque 3 ans et demi. Le 7 juin trois jeunes médecins sont arrêtés  et exécutés sans jugement près d'Excideuil, à 16 km de la cité. Ils seront déclarés "Morts pour la France" en 1945. Le 8 juin, alors que Dominique et d'autres enfants se promènent tranquillement, un convoi allemand passe à proximité. Mon père m'a raconté s'être réfugié dans les arbres avec les autres enfants qui l'accompagnaient.

La journée du 10 juin 1944 reste gravée dans l'histoire et dans la mémoire de mon père pour le terrible massacre d'Oradour sur Glane qui fera 643 victimes. Le village n'est qu'à 92 km environ de Clairvivre. 

Ce mois de juin sera éprouvant pour les habitants de la cité :

  Source : Clairvivre... de l'utopie à la réalité par Jacqueline Desthomas
et Jean-Jacques Joudinaud
Editions de la Tuillière pour l'EPD de Clairvivre (1999)
   

En septembre 1944, mon père effectue sa première rentrée scolaire. L'école, comme on l'a vu plus haut,  se trouve désormais à l'intérieur même de Clairvivre.

L'école - Source : archives familiales

La traditionnelle photo de classe de cette année 1944-45 permettra à vingt et un enfants de garder un souvenir de leur année scolaire et d'esquisser, au moins pour certains, un sourire devant le photographe.

7 mai 1945 - source : archives familiales

En 1945, la fin de la guerre permet à mes grands-parents, mon père et sa petite soeur, de regagner le Nord où ils vont retrouver leurs attaches familiales et reprendre le cours de leur vie. Mon père n'a cependant jamais oublié cette période de son existence. Au cours de l'été 2008, il est retourné, à l'occasion de vacances en Dordogne, revoir ce lieu si particulier.

Qu'est devenu Clairvivre après la guerre ? Albert Delsuc, qui avait dû abandonner les lieux en 1940, est revenu en 1946 pour constater le délabrement du projet dans lequel il s'était tellement investi. Avec très peu d'aide de l'Etat, il a cependant réussi à effectuer les travaux nécessaires afin de lui redonner la capacité d'accueillir à nouveau des malades et leurs familles, ce qui fut fait au début de la décennie 1950.

Les années passant, l'idée d'associer soins médicaux et formation professionnelle s'est poursuivie et renforcée. Albert Delsuc décèdera le 26 février 1962, laissant derrière lui un lieu qui aujourd'hui a toujours cette vocation d'accueil, désormais à destination des personnes en situation de handicap avec le statut actuel d'Etablissement Public Départemental.

25 avril 2023

Epine ou anguille ?

 Bonjour à toutes et tous, 

Comme beaucoup de généalogistes, j'ai rencontré (et ce n'est sans doute pas fini) des épines généalogiques, c'est-à-dire des ancêtres que l'on met de côté lorsque les recherches semblent impossibles à poursuivre et que l'on se trouve dans une impasse quitte à retenter sa chance un peu plus tard. J'aurais même tendance, pour mon SOSA 22, à utiliser le mot "anguille" tant il semble insaisissable à la fin de sa vie.

Léon DECOCK est l'un de mes arrière-arrière-grand-pères dans ma généalogie paternelle. 


 

 

 

 

Né le 17 avril 1849 à Mater en Belgique (région de la Flandre orientale, voir la carte ci-dessous qui détaille son parcours), il est le fils unique de Jean Baptiste Decock et Sophie Ronsse. Il exerce la profession de tailleur d'habits tout comme son père avant lui.  

Source : https://mapcarta.com/fr/Pottes/Carte

 

 

 

 

 

En partant de Mater, son parcours semble le mener à Pottes dans la province du Hainaut où vit Anaïse Joseph Couplet, née en 1848 de parents tous deux "journaliers" agricoles. En 1870, Anaïse met au monde son premier enfant, Charles Auguste. L'acte de naissance de l'enfant ne permet pas de déterminer si Léon Decock en est le père, même si la probabilité de cette paternité est élevée. La naissance est déclarée par Pierre Joseph, le père d'Anaïse, laquelle apparaît être célibataire. Charles Auguste restera donc un enfant naturel toute sa vie.

On retrouve ensuite Léon et Anaïse installés à Roubaix. Lui est tailleur, elle exerce la profession de lessiveuse, puis de tailleuse comme l'attestent les actes de naissance des 6 enfants qui viendront successivement agrandir la famille : 

- Léonie (1874-1953)
- Marie Louise (1876-1964)
- Amédée Oscar (1878-1957)
- Léon Baptiste (1882-1953)
- Henri Georges (1885- ?)
- Gabrielle Anaïse, mon arrière-grand-mère (1887-1937)

Les six enfants seront reconnus tardivement par leurs deux parents dans un acte dressé en la mairie de Roubaix le 9 janvier 1899. Léon et Anaïse se marient finalement le 11 février 1901 et en profitent pour légitimer leurs six enfants (voir extrait d'acte ci-dessous). Anaïse décédera le 30 juin 1902.

Source : ROUBAIX / M [1901-01-03 - 1901-07-24]3 E 15942 Archives du Nord page 59


Mais revenons à mon épine. Après le décès de son épouse Anaïse en 1902, je perds la trace de Léon qui semble s'être volatilisé. J'ai pourtant parcouru les tables décennales de toutes les communes autour de Roubaix, imaginé sans succès qu'il était peut-être retourné à Mater où ses parents sont tous deux déjà décédés. 

Aucun de ses enfants ne semble l'avoir hébergé, il faut dire qu'il ne s'est pas montré très présent lors de leurs mariages et dans leurs vies en général.

Deux articles de presse d'avril 1913 font état du vagabondage sur la voie publique d'un Léon Decock en état d'ivresse, ce qui lui vaut d'être arrêté et emprisonné pour quelques jours. Même si tous les détails concernant le personnage ne correspondent pas, cela semble plutôt cohérent avec le caractère de mon SOSA qui ne devait pas être facile à vivre. A-t-il fini sa vie en prison ? Victime de l'alcool ? Rien pour l'instant ne m'a permis de vérifier cette possibilité...


Source :   Journal de Roubaix -25 avril 1913 page 3 (archives municipales de Roubaix)


Source :  Journal de Roubaix - 29 avril 1913 page 4 (archives municipales de Roubaix)
 
Malgré toutes ces hypothèses, je suis pour l'instant en panne d'idée, d'une piste qui me mènerait à son acte de décès. A suivre donc...

10 avril 2023

LEFEBVRE Oscar Jules


Oscar Jules Lefebvre est le premier ancêtre que je vais vous présenter. C'est difficile de choisir un premier car pourquoi lui et pas un autre ? Il se trouve être mon SOSA 14 c'est-à-dire mon arrière grand père, de ma 4ème génération et c'est donc un ancêtre pour lequel j'ai pu réunir assez facilement un bon nombre d'informations même sans le témoignage direct de personnes encore vivantes.

Oscar, Elisa Sophie et leur fille Jeanne Marie
(photo entre 1935 et 1940)


Oscar est né le 25 mai 1884 à Roubaix, fils de Oscar Edouard Lefebvre, tourneur en fer, alors âgé de 32 ans et de Marie Joséphine Léonie Desgardins, 32 ans elle aussi, ménagère.

Il épouse à Wasquehal, le 5 février 1910, Elisa Sophie Gadenne, née à Wasquehal le 4 décembre 1887, fille de Jules Gadenne, tisserand, âgé de 56 ans et de Coralie Joséphine Leroy, ménagère, âgée de 49 ans. Je reviendrai dans un autre article sur le parcours de Jules et Coralie Gadenne, un peu particulier pour l'époque.

Le premier enfant d'Oscar, lui aussi prénommé Oscar Jules, vient au monde en 1911 mais décédera malheureusement l'année suivante à l'âge de 11 mois.

En 1914, la première guerre mondiale commence. Oscar père fait partie de la classe 1904 comme l'indique sa fiche matricule qui nous fournit de nombreux renseignements sur son état-civil et ses caractéristiques physiques.


 




Oscar Jules est affecté le 1er avril 1914 au 84e régiment d'infanterie puis mobilisé le 4 août suivant. Il remplira son devoir militaire avec courage et sera blessé au combat en 1915 et 1917.


 






 

Une pension lui sera attribuée en 1934 pour ses blessures et il recevra la croix de guerre avec étoile de bronze.

(source de l'image : wikipedia)



 

 


En 1919, Oscar Jules, démobilisé, et sa femme quittent le Nord pour aller s'installer à St Georges de Longuepierre, un petit village de Charente Maritime.

Leur second enfant, Jeanne Marie, naît le 22 février 1921 comme l'indique ci-dessous le recensement de la même année, qui nous apprend également qu'Oscar Jules exerce la profession de cultivateur chez un propriétaire fermier du nom de Mercier dans la commune d'Aulnay, proche de St Georges de Longuepierre.

(source : recensement 1921 Saint Georges de Longuepierre,

 


 

En 1924, mes arrière-grands parents reviennent s'installer dans le Nord à Wasquehal 227 rue de Tourcoing puis 98 bis de la même rue. Oscar est successivement magasinier puis livreur en épicerie.

(source : recensement 1926 Wasquehal - AD du Nord page 122)


 

 

(source : recensement 1931 Wasquehal - AD du Nord page 169)

 

 


Jeanne Marie épouse Henri Druart le 27 août 1942 et vient s'installer à Roubaix.

Oscar décèdera à 73 ans le 2 décembre 1957 à Wasquehal et sa femme Elisa à l'âge de 74 ans le 1er octobre 1962 à Roubaix.

07 avril 2023

Là où tout a commencé....

Le point de départ de ma généalogie se trouve principalement à Roubaix. J'y suis née, bon nombre de mes SOSA y ont passé toute leur vie. Roubaix a toujours connu cet esprit de quartier, avec des habitants qui se connaissaient, s’entraidaient. Avant de se marier, mes parents habitaient rue Ingres, à quelques maisons de distance : mes grands-parents maternels, une grand-tante et une arrière-grand-mère, mes grands-parents paternels ont occupé en effet trois habitations entre le n°164 et le n°172. 

 

La rue Ingres, avec son bel alignement de façades de briques typiques du Nord, se trouve dans un quartier appelé Nouveau Roubaix. 

La maison de mes grands-parents maternels a été pendant toute mon enfance ma seconde maison. Mes parents m'y déposaient le matin et venaient me chercher le soir car ils travaillaient toute la journée. Ma grand-mère m'emmenait à l'école, venait me rechercher à midi pour rentrer manger chez elle, me raccompagnait et s'occupait de moi jusqu'au retour de mes parents le soir.

Cette maison est restée gravée dans ma mémoire et je revois encore aujourd'hui son côté un peu atypique, avec ses petites pièces imbriquées les unes dans les autres, le feu à charbon dans la cuisine, l'atelier où mon grand-père passait des heures à bricoler, le jardin donnant sur un terrain où tous les enfants du "pâté de maison" pouvaient aller jouer en toute liberté, loin des "dangers de la rue".

Tous les jardins avaient en effet un petit portillon donnant sur ce paradis où nous passions nos mercredis et toutes nos vacances du matin au soir, à l'exception des repas où nous étions rappelés à l'ordre par nos mères respectives.

06 avril 2023

C'est parti...

 

Bonjour à toutes et tous

Voilà, je démarre à mon tour l'aventure d'un blog de généalogie. Je réfléchis depuis pas mal de temps sur la façon de montrer ce que je fais, le résultat de mes recherches sur mes ancêtres.

Faire de la généalogie ce n'est pas seulement aligner des noms et des dates, ce n'est pas non plus uniquement s'intéresser à des "morts". C'est au contraire découvrir que ces gens ont eu une vie, un métier, des enfants, ont pu voyager parfois très loin, traverser des périodes troublées de l'histoire, connaître des vies calmes ou au contraire des destins tragiques.

Mes racines se concentrent beaucoup sur Roubaix, Tourcoing, les communes alentour sans oublier la Belgique, mais concernent aussi les Etats-Unis et bien d'autres lieux d'où le nom de ce blog.

J'en profite au passage pour remercier d'abord mon grand-père paternel qui a grandement contribué, sans le savoir, à me rendre accro à la généalogie et ensuite Jackie qui, depuis trois ans maintenant, me permet de garder le contact avec "ma branche américaine".

Clairvivre

 Bonjour à toutes et tous,  Aujourd'hui je vais vous faire quitter le Nord-Pas-de-Calais et remonter le temps par la même occasion. Mon ...